UNE PAGE D'AMOUR (1878)  

 

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"Une page d'amour, écrite entre l'Assommoir et Nana, a dû être, dans ma pensée, une opposition, une halte de tendresse et de douceur. J'avais, depuis longtemps, le désir d'étudier, dans une nature de femme honnête, un coup de passion, un amour qui naît et qui passe, imprévu, sans laisser de trace. Le titre veut dire cela : une page dans une œuvre, une journée dans une vie. Le drame m'a été donné par l'invention de l'enfant, qui meurt de l'amour de la mère. Quant au milieu, à cette hauteur de Passy où j'ai placé la maison, il a été certainement choisi par les cinq descriptions qui terminent les cinq parties. Encore une vieille idée de ma jeunesse, Paris témoin d'un drame, Paris, pareil au chœur antique, assistant aux joies et aux douleurs d'une action, à toutes les heures, par tous les temps."

Extrait d'une lettre de Zola à van Santen Kolff, le 08/06/1892

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LETTRE AUX EDITEURS

Chers Messieurs,

Vous faites à Une page d'amour l'honneur de la publier dans votre belle "Bibliothèque artistique moderne", et vous me demandez une préface pour cette nouvelle édition. Je voudrais vous témoigner ma gratitude en vous satisfaisant ; mais le pis est que je n'ai absolument rien à dire sur ce roman, qui ne compte plus pour moi : toute œuvre donnée au public est une œuvre aux autres.

Cependant puisque l'occasion s'en présente, je veux risquer une défense. Est-ce bien une défense, d'ailleurs ? ce sera plutôt une explication.

Ce qu'on a surtout reproché à Une page d'amour, ce sont les cinq descriptions de Paris qui reviennent et terminent les cinq parties, symétriquement. On n'a vu là qu'un caprice d'artiste d'une répétition fatigante, qu'une difficulté vaincue pour montrer la dextérité de la main. J'ai pu me tromper, et je me suis trompé certainement, puisque personne n'a compris ; mais la vérité est que j'ai eu toutes sortes de belles intentions, lorsque je me suis entêté à ces cinq tableaux du même décor, vu à des heures et dans des saisons différentes. Voici l'histoire.

Aux jours misérables de ma jeunesse, j'ai habité des greniers de faubourg, d'où l'on découvrait Paris entier. Ce grand Paris, immobile et indifférent, qui était toujours là, dans le cadre de ma fenêtre, me semblait comme le confident tragique de mes joies et de mes tristesses ; j'ai eu faim et j'ai pleuré devant lui ; et devant lui, j'ai aimé, j'ai eu mes plus grands bonheurs. Eh bien ! dès ma vingtième année, j'avais rêvé d'écrire un roman dont Paris, avec l'océan de ses toitures serait un personnage, quelque chose comme le chœur antique. Il me fallait un drame intime, trois ou quatre créatures dans une petite chambre, puis l'immense ville à l'horizon, toujours présente, regardant avec ses yeux de pierre rire et pleurer ces créatures. C'est cette vieille idée que j'ai tentée de réaliser dans Une page d'amour.

Je ne défens donc pas mes cinq descriptions : je tiens uniquement à faire remarquer que, dans ce qu'on nomme notre fureur de description, nous ne cédons presque jamais au seul besoin de décrire ; cela se complique toujours en nous d'intentions symphoniques et humaines. La création entière nous appartient, nous tâchons de la faire entrer dans nos œuvres, nous rêvons l'arche immense (...).

Extrait de la préface publiée en tête de la première édition illustrée d'Une page d'amour en 1884

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RESUME DU ROMAN

Hélène Mouret a perdu son mari Grandjean. Elle se retrouve seule avec sa petite fille Jeanne dans cette grande ville, qu'elle ne connaît pas : Paris. Elle reçoit l'aide de deux amis venus du Midi comme elle : Jouve, prêtre, et son frère Rambaud, riche commerçant. Ce dernier lui offre gratuitement l'hospitalité dans un bel appartement. Elle mène une vie bien tranquille et observe Paris de sa fenêtre.

Jeanne accompagne sa mère où qu'elle aille. Cette enfant, d'une santé très fragile héritée de sa grand-mère Adélaïde, est d'une jalousie maladive vis à vis de sa mère : elle seule peut partager l'amour d'Hélène.

Un jour, alors que l'enfant est atteinte d'une crise de catalepsie, Hélène cherche de l'aide et rencontre Henri Deberbe qui est médecin. Ce dernier sauve Jeanne et tombe sous le charme de la mère, qui elle-même succombe à l'amour. C'est en voulant remercier le médecin chez lui, qu'elle découvre qu'Henri est marié.

Le destin réunit à nouveau les deux êtres venus chacun de leurs côtés soigner la mère Fétu.

Après s'être confessée à Jouve des sentiments qui l'habitent, le prêtre lui conseille le mariage avec son frère. Ayant appris les projets de sa mère, Jeanne se rend malade de jalousie, ce qui fait hésiter sa mère. Toutefois cette hésitation n'est pas la seule : Hélène veut croire en la pureté des sentiments qu'elle éprouve envers Henri et inversement : c'est pourquoi chaque jour elle va chez les Deberbe accompagnée de sa fille.

Pour fêter le printemps Juliette Deberbe organise une fête costumée pour les enfants. Hélène quitte son deuil et se laisse aller à son bonheur. Au cours de cette fête, Henri déclare enfin ouvertement son amour à la jeune femme. Cet amour prend la forme de baisers volés pour ne pas éveiller la jalousie de Jeanne.

Un soir, lors d'un dîner où la conviée Juliette, Hélène surprend une conversation entre la maîtresse de maison et Malignon au cours de laquelle Juliette accepte un rendez-vous. Ne pouvant contrôler sa colère, elle décide de dénoncer Juliette sous la forme d'un message anonyme destiné à Henri. Cependant, rongée par la culpabilité elle se rend au rendez-vous pour prévenir Juliette de l'arrivée imminente de son mari. Ce dernier ne trouve qu'Hélène quand il entre et pense alors qu'elle est là pour assouvir leur passion.

La sortie soudaine de sa mère laisse Jeanne désemparée et elle se sent alors abandonnée. Cela déclenche en elle, la nuit suivante, la tuberculose qui l'emporte en quelques semaines.

Hélène enterre ses sentiments en même temps que sa fille, et décide d'épouser Rambaud pour retourner dans le Midi.