CONTES A NINON (1864)
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A l'éditeur Lacroix
Paris, 8 mai 1867.
Je comprends le désir que vous témoignez de connaître le nom de l'artiste qui doit illustrer les Contes à Ninon. Je dois cependant vous faire remarquez que l'artiste ne demande aucune rémunération immédiate et proportionnelle, mais simplement un tant pour cent sur chaque exemplaire vendu. Nous désirons avant tout faire une œuvre purement artistique, sans contrôle d'aucune sorte : c'est pourquoi nous voulons rester entièrement maîtres.
Si je pouvais causer avec vous, je vous ferais connaître le mécanisme de l'affaire que je vous propose, et je suis certain que vous accepteriez cette affaire. Je vais essayer de m'expliquer le plus clairement possible.
Il ne s'agit plus d'une œuvre ordinaire. Pour moi et pour l'artiste, je le répète, il s'agit d'une œuvre d'art. Pour vous il s'agit d'un succès d'argent. Mon dessinateur est M. E. Manet, jeune peintre d'un grand talent, dont vous devez connaître la bruyante réputation. On a fait de lui le type de l'excentricité, on se plaît à tourner ses œuvres en ridicule, comme on a tourné en ridicule les premières œuvres de Descamps et Delacroix. Demain, j'en ai l'intime conviction, M. E. Manet sera accepté comme un maître. J'ai plaidé chaleureusement sa cause dans feu l'Evénement, et, par reconnaissance, par sympathie, il veut bien me faire quelques dessins pour mes Contes à Ninon. Dans quelques semaines, M. Manet aura une exposition particulière de ses œuvres, à côté de l'exposition de Courbet ; il vient de dépenser quinze mille francs pour se montrer au public dans l'ensemble de son talent. Il est certain d'avoir une publicité humaine, la publicité que Courbet a déjà eue en 1853. Vous voyez, dès maintenant, que l'œuvre que je vous propose d'éditer n'est pas une œuvre ordinaire ; ainsi que je vous le disais. La manière de l'artiste ne doit pas vous inquiéter ; peu vous importe qu'il fasse ceci ou cela ; il signe et voilà tout : son nom vaut du bruit, de la curiosité, une publicité qui amènera le public chez vous. Tout le tapage qui s'est fait autour de M. Manet, tout le tapage qui se fera encore ces jours-ci est une assurance que son œuvre ne passera pas inaperçue. Mais ici votre spéculation ne porte pas sur l'aspect plus ou moins plaisant des dessins, mais sur le nom, sur la réputation bruyante du dessinateur.
Je ne sais si je me suis bien expliqué. Je ne parlerai pas aussi carrément à certains éditeurs de Paris, mais j'ai appris à connaître votre sagacité, votre coup d'œil prompt à saisir les phrases probables d'un succès. Si vous m'accordez quelque expérience en matière de réclame, croyez à mes assurances ; mon nom et celui de Manet mis sur une même couverture doivent tirer l'œil des passants et les forcer à s'arrêter.
D'ailleurs, je vous envoie deux eaux fortes que M. Manet a gravées lui-même d'après deux de ses tableaux. Il ne peut faire en ce moment les deux croquis que vous me demandez, se trouvant accablé d'ennuis par les soucis de toutes sortes que lui cause la prochaine ouverture de son exposition particulière. J'ai pensé que les deux eaux fortes ci-jointes vous mettraient à même de comprendre le talent vigoureux et original du peintre. L'eau forte représentant une danseuse espagnole, est, à mon sens, un chef-d'œuvre d'une souplesse et d'une énergie rares. On dirait une eau forte de Gaje. Soyez, sans crainte, je sais ce que j'ai fait en choisissant M. Manet pour dessinateur. Vous me connaissez assez pour savoir que je cherche le succès. Vous avez bien voulu me dire un jour que j'étais habile. Eh bien ! jamais je n'ai si habilement pensé à ma réputation qu'en cherchant à mettre le nom de Manet sur une des mes œuvres. - Faites l'affaire et vous verrez si je me trompe.
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