JUSTICE  

 

Fécondité - Travail - Vérité - Justice

Emile Zola venait d'achever Vérité et avait à peine commencer ses recherches concernant Justice quand dans la nuit du 28 au 29 septembre 1092 il mourut asphyxié.

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Extraits des notes de Justice

Sur le rôle de la France dans l'histoire. Son âme. On la représente monarchiste, catholique, guerrière. Les "ennemis de l'âme de la France" deviennent les républicains, les libres penseurs, les haïsseurs de la guerre. Pour la sauver, on nous rappelle à ses prétendues traditions, au passé, on fait appel à toutes les forces de réaction (voir les conférences de Brunetière). -- Pour moi, au contraire, rechercher si l'âme de la France n'a pas toujours été de liberté, de libre examen, de tendance idéale vers la justice, la vérité. Même sous la chevalerie, idéal lointain, pour le faible. Les chevaliers errants, les croisades, la Réforme, les philosophes, etc. puis, surtout les temps changés, l'idéal nouveau avec les Droits de l'homme, la Révolution. La France chevalière du Droit et de la Liberté. C'est là son rôle vrai, sa grandeur parmi les peuples, sa mission, sa victoire de demain. Plus d'idéal guerrier devenu impossible ; l'y rappeler, c'est méconnaître sa marche en avant, c'est s'abuser en ne voyant pas sa marche vraie à travers l'histoire vers la générosité de demain. Elle se dégage, et on veut la réengager. Elle n'a plus de grandeur à attendre de la guerre, toute grandeur au contraire de la marche vers la vérité et la justice. L'idéal guerrier fini pour elle, l'autre commence (ce que je dois dire dans Vérité et épanouir dans Justice). -- Ce que nous voyons, antisémitisme, nationalisme, boulangisme, c'est le parti de réaction qui ne veut pas mourir. Les racines profondes qu'il a dans le pays, les raisons ataviques de cela, la défense sourde de l'église, la légende guerrière. Il tire la France en arrière, et elle y doit périr. Il faut que nous vainquions ce parti, pour qu'elle marche en avant. Le rêve qu'on peut faire de sa grandeur, l'idéal conquis pour les peuples. Contre la guerre. -- Brunetière contre l'internationalisme, le socialisme, la science. Pour le catholicisme.

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Dire la vérité au pays, à la patrie. Toute mon œuvre, de franchise, qu'on accuse d'être une catastrophe pour la France. Dans les autres pays (Angleterre et partout) hypocrisie, flagornerie, tout cacher, pour exalter la patrie, ne pas avouer devant les autres nations. -- Le résultat désastreux de cela, où cela nous a menés en 70. Et ce qui fait qu'on ne nous comprend pas (Björnson). C'est ce qui nous met plus en avant ; notre examen de conscience et notre manque de respect, tous les cadres brisés, marche pour autre chose, dans de l'anarchie. Les peuples qui s'adulent et qui meurent (Italie, Espagne, Pologne). Il faut de la vitalité pour faire ce que nous faisons, de la confiance et de l'espoir en l'avenir. -- La vraie mission se renouveler. -- Incarner tout cela dans un personnage.

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Bien insister sur ce fait que notre France, qui semble se déchirer elle-même, s'accuser, faire la confession publique des hontes et des fautes (par nos romans, par l'affaire Dreyfus, par notre République cahotée), n'est qu'en mal de vérité. Elle est grosse de vérité et de justice, elle détruit le roi, le prêtre, le militaire, toutes les forces du passé, pour aller à l'avenir. Elle fait, par son génie, table rase, en s'opérant cruellement elle-même ; et c'est ainsi qu'elle est à l'avant-garde de la démocratie, par le libre examen, préparant la cité future. Si les autres peuples paraissent plus sages, plus propres, c'est qu'ils mentent, qu'ils cachent, qu'ils vivent sur le passé. Quand la France aura fait la vérité et la justice (son calvaire douloureux) tout craquera, sombrera chez les voisins. La France messie, rédemptrice, sauveuse. Reine.

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La bataille décisive, maintenant, se livrera sur le terrain intellectuel et économique. C'est le sujet de Justice. La nation directrice (la France) sera celle qui résoudra la première la question du travail, etc. La justicière. Le mouvement socialiste. Le règne de la force pure s'achève. Autre période. La France, avec ses savants et ses penseurs, plus à craindre pour les empires voisins, que la France avec ses soldats et ses canons. Elle ébranlera et détruira les derniers trônes, sa mission.